Shimon Peres a finalement rendu les armes

Le doyen de la scène politique israélienne Shimon Peres est mort à l’âge 93 ans, des suites d’un accident vasculaire cérébral.

Du militantisme sioniste de sa jeunesse au sommet de l’État d’Israël dont il fut président et plusieurs fois Premier ministre, il était une figure emblématique de la scène politique israélienne, plus respectée à l’étranger que populaire dans son pays. Sa carrière ayant débuté à l’aube de la proclamation de l’État hébreu, il fut le principal artisan du développement de la puissance militaire de son pays, avant de devenir dans la seconde partie de sa vie l’un des architectes de la paix dans la région tourmentée du Proche-Orient.

En vérité, Peres ne s’imaginait pas non plus politicien lorsqu’il était jeune. Il se voyait agriculteur à une époque où le mouvement sioniste dirigé par David Ben Gourion vantait le ‘travail hébraïque de la terre’. Mais les soubresauts de la région à la fin de la Deuxième guerre mondiale en ont décidé autrement.

Ni l’âge ni les aléas de la fortune n’avaient entamé sa stupéfiante frénésie d’entreprendre. Un jour de mai 2014, comme on le priait d’esquisser le bilan d’une carrière politique démesurément longue, Shimon Peres répondit d’une pirouette qui, à ses yeux, n’en était peut-être pas une. « Mes succès les plus importants« , glissa-t-il, « sont ceux qui me restent à accomplir. » Il s’apprêtait à fêter ses 91 ans mais, au crépuscule de sa carrière, semblait avide d’autres lendemains. « Être président, c’est comme vivre dans une cage dorée« , ajouta-t-il d’une voix de bronze qui, avec l’âge, était devenue presque inaudible. « Si vous aimez l’or, il faut y rester. Mais moi, j’ai encore envie de voler…« 

Accords d’Oslo

Shimon Peres, qui fut à la fois le père de la bombe atomique israélienne et celui des accords d’Oslo, a successivement exercé les fonctions de député, de ministre, de premier ministre et de président de l’État hébreu. Né un peu tard pour avoir compté au nombre des ‘pères fondateurs’, il sut s’imposer dans les années 1950 parmi la jeune garde constituée autour de David Ben Gourion. Contemporain de Moshe Dayan, de Yitzhak Rabin ou encore d’Ariel Sharon, il ne ménagea aucun effort et ne recula devant aucun revirement pour marquer de son empreinte l’histoire d’Israël.

Faucon à ses débuts, il se démena pour armer le jeune État puis encouragea la colonisation en Cisjordanie avant de se muer, dix ans plus tard, en apôtre de la paix avec les Palestiniens.

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A l’insu de son Premier ministre (Rabin), au début des années ’90 du siècle dernier il a encouragé quelques intellectuels israéliens à poursuivre les contacts secrets que ces derniers entretenaient depuis quelques mois en Norvège avec des cadres de l’OLP. Ces rencontres étaient informelles et de toute façon illégales aux yeux du droit israélien, mais elles ont pavé la voie aux négociations qui allaient rapidement déboucher sur les accords de paix d’Oslo de septembre 1993. Cette séquence cruciale de l’histoire d’Israël et des Palestiniens a rapproché Pérès et Rabin, qui en sont parvenus à mettre leurs vieilles rancœurs de côté.

M. Peres était le seul encore vivant des trois hommes à avoir été distingués du Nobel de la paix en 1994 ‘pour leurs efforts en faveur de la paix au Moyen-Orient’, après la disparition de l’Israélien Yitzhak Rabin, assassiné en 1995, et du Palestinien Yasser Arafat, décédé en 2004.

Cet itinéraire complexe et parfois déroutant lui valut autant de détracteurs sur la petite scène politique israélienne que d’admirateurs à l’étranger. La fête organisée à Tel-Aviv pour son quatre-vingtième anniversaire rassembla Bill Clinton, Mikhaïl Gorbatchev, le mannequin Naomi Campbell et le chanteur Bono, ainsi que son vieux rival Ariel Sharon qui résuma: « Nous avons préservé notre amitié, bien que nous ayons toujours été d’irréductibles ennemis, car nous poursuivons le même but: un Israël vivant en paix et en sécurité. »

« Je suis un admirateur de Shimon Peres depuis de nombreuses années. Sa volonté sans fin de ‘donner une chance à la paix’ est à la fois humble et courageuse »

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Sylvain Goldberg – diamants – à propos du décès de Shimon Peres