Le G7 envisage de bannir les diamants russes. Cela fermera la route indirecte via l’Inde ou Dubaï à 70 % du marché. Cela ouvre la voie à des sanctions européennes contre les diamants russes sans nuire à Anvers.

Dans le dixième paquet de sanctions européennes contre la Russie, le commerce du diamant esquive encore la balle. L’année dernière, les propositions d’interdiction européenne de l’importation de diamants russes se sont invariablement heurtées au lobbying de la Belgique, qui protège le commerce du diamant anversois. Une interdiction des diamants russes affecterait principalement Anvers et ne ferait que déplacer le commerce vers l’Inde et Dubaï.

Pourtant, il y aura une interdiction des diamants russes, et cela concernera Anvers. Elle ne provient pas de la Commission européenne, mais du G7, qui se réunit actuellement au Japon et se compose en outre de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, du Canada, du Royaume-Uni et des États-Unis, plus l’Union européenne. Le G7 entame un processus visant à interdire à ses États membres les diamants bruts et taillés en provenance de Russie. Comme ces sept pays représentent 70 % du marché mondial du diamant, l’impact serait considérable. Le projet aboutira finalement à une sanction contre les diamants russes sur l’une des prochaines listes de sanctions européennes.

Non taillé

La Belgique ne siège pas au sein du G7, mais cette initiative émane de la Belgique, qui a vu une occasion de sanctionner le commerce de diamants russes sans nuire au secteur diamantaire anversois.

Le cabinet du Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a présenté le concept d’abord à la Commission européenne, puis aux États-Unis, qui l’ont mis sur la table du G7.

La situation est devenue urgente lorsque, l’été dernier, l’offre de diamants à Anvers a chuté d’environ 80 %. Cela était dû aux sanctions financières contre la Russie, qui ont rendu impossible le commerce avec les banques russes, mais surtout à la manière dont certains pays ont boycotté les diamants russes.

Les États-Unis, le plus grand marché, avaient interdit l’importation de diamants russes, mais conservaient une importante échappatoire : si des diamants non taillés étaient finalisés en Inde, ils étaient soudainement considérés comme des diamants indiens. Les Américains ne pouvaient donc pas acheter de diamants bruts russes à Anvers, mais ils pouvaient acheter des pierres russes taillées à Mumbai, où l’offre de diamants russes a explosé. Les sanctions américaines n’ont donc pas affecté la Russie, mais plutôt l’industrie diamantaire anversoise.

À la demande de la Belgique, le nouveau plan mise sur la traçabilité des diamants. Ce faisant, il compense les lacunes du processus de Kimberley, qui sanctionne le commerce des diamants de sang. La coopérative de Kimberley a vu le jour à la suite d’une résolution des Nations unies. Cette option a été écartée cette fois-ci, car la Russie est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Il s’est donc avéré impossible d’inclure les diamants russes sur la liste du processus de Kimberley : les tentatives en ce sens ont échoué à cause de la Russie et de ses alliés. C’est pourquoi une initiative du G7 va maintenant aller un cran plus loin.

Un certificat devra indiquer la provenance du diamant. Cela sera vérifié par des audits. « On s’apercevra rapidement si quelque chose n’est pas dans les règles« , explique Tom Meys, porte-parole de l’Antwerp World Diamond Centre (AWDC). « Le contrôle peut être encore renforcé par la création d’une agence« .

Jusqu’à la mine

La solidité de l’ensemble dépend de conditions qui restent à définir. En outre, l’efficacité du processus de Kimberley sur les diamants du sang a fait l’objet de nombreuses critiques, déclare Filip Reyniers, de l’institut de recherche IPIS. « Un premier problème est celui de l’application. Actuellement, il n’y a qu’un embargo sur les diamants provenant d’une partie de la République centrafricaine. Mais les frontières semblent poreuses et les diamants sont exportés via le Cameroun. » Reste à savoir si la même approche peut ensuite fonctionner avec les diamants russes, qui représentent un tiers du marché actuel.

Un certain nombre de points d’interrogation subsistent. L’un d’eux est important : l’Inde va-t-elle se joindre à ce scénario ? Ce pays continue à entretenir des liens étroits avec la Russie, mais la pression pour qu’il s’y joigne devient très forte.

Si le plan est mis en œuvre, l’Inde ne sera plus en mesure de vendre des diamants russes sur 70 % du marché. La Chine, deuxième marché de vente, restera ouverte.

Le G7 va maintenant chercher le soutien des pays africains où les diamants sont extraits. Cela devrait faciliter la traçabilité, de manière à ce que les diamants remontent jusqu’à la mine. Aujourd’hui, elle ne remonte que jusqu’au dernier mouvement d’exportation.

Le plan du G7 n’est pas juridiquement contraignant : les pays doivent l’intégrer dans leur propre législation. Pour l’Union européenne, cela signifie que le plan finira sur l’une des prochaines listes de sanctions. Une fois que cela se produira, un boycott des diamants russes à Anvers sera possible. Plusieurs diamantaires anversois l’ont déjà appelé de leurs vœux.

Aujourd’hui, les diamants de Russie, premier exportateur mondial, sont toujours commercialisés à Anvers. Cela se fait principalement par l’intermédiaire d’Alrosa, une société détenue aux deux tiers par l’État russe (et la république autonome de Yakoutie). Les diamants financent la guerre, affirme l’Ukraine. Comme l’a déclaré le président Volodimir Zelenski au Parlement européen, « la paix vaut bien plus que les diamants« .