L’exposition ‘Joyaux des Grands Moghols aux Maharajahs’ réunit 270 bijoux indiens d’exception au Grand Palais. Les fastes d’une époque royale.

Aimeriez-vous avoir un gratte-dos en jade ? Ou un chasse-mouches en agathe rubanée, l’été, quand il fait bien chaud, pour écarter les importunes et leur agaçant bzzz ? C’est mieux que ces vulgaires serpentins tue-mouches que nos grands-mères accrochaient au plafond de la cuisine. Entrez dans le monde merveilleux des Grands Moghols et des Maharajahs en tenue d’apparat, à travers cinq siècles d’histoire de l’Inde et de ses souverains.

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Les joyaux de la collection Al-Thani, 270 bijoux et pièces exceptionnelles — enrichis de prêts de grands musées comme le Metropolitan Museum of Art —, sont exposés au Grand Palais, dans une explosion de lumières colorées. Al-Thani, ce nom nous parle, depuis que cette famille régnante du Qatar investit massivement en France, et a fait du PSG une puissance européenne.

Son Altesse Sheikh Hamad bin Abdullah al-Thani, membre de cette dynastie, se passionne pour l’Inde et ses bijoux. Les plus beaux, forcément. Méthodiquement. Scientifiquement. C’est même cosmique : chaque gemme, diamant, perle, saphir, émeraude, zircon, topaze, oeil-de-chat, corail est associé à une planète et à des pouvoirs magiques.

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Armes de séduction massive

Ces bijoux ne sont pas fantaisie, c’est du sérieux. Un art : « Depuis l’époque reculée de la civilisation de l’Indus jusqu’à aujourd’hui, le sous-continent indien cultive une tradition du bijou unique« , écrit Amin Jaffer, commissaire de l’exposition, en introduction du catalogue. Le sous-sol de cette région est riche en pierres fines. Le commerce a fait le reste, des perles du golfe Persique aux émeraudes de Colombie.

Le résultat est… brillant. Tous ces poignards, dagues et épées, face auxquelles celles de nos académiciens semblent bien ternes. Les textes ne disent pas vraiment qui, ou quoi, l’on tuait, à moins que ces poignards en jade, rubis, diamants, émeraudes et lame en acier incrusté d’or aient surtout eu un rôle décoratif. Telle épée du XVIIIe siècle en Inde, à l’acier trempé damasquiné d’or, un chef-d’oeuvre, porte une inscription signifiant « la victoire vient d’Allah et le triomphe est proche« .

Des bagues d’archer, datant du XVIIe siècle, servaient à protéger le pouce du cisaillement de la corde lorsque l’archer bandait son arc. On comprend vite que ces armes servaient à l’activité la plus prisée des souverains des Etats musulmans ou hindous de l’Inde : la chasse, souvent dangereuse. Des « armes féroces et somptueuses« , comme il est dit dans le catalogue, à travers lesquelles les princes Moghols rivalisaient aussi entre eux en termes d’inventions esthétiques et techniques, comme ces crosses de pistolet en têtes d’oiseaux.

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Manteaux de mariées, bols, plats, cuillers, aigrettes, colliers, ornements de turbans, cet art de vivre s’incruste dans tous les domaines. Les cours voulaient aussi impressionner les visiteurs européens. Au début du XXe siècle, Jacques Cartier se rend sur place et s’inspire de cette tradition indienne dans ses créations. Il oeuvre aussi directement pour les derniers princes indiens. La maison Cartier et la bijouterie occidentale, aujourd’hui, se nourrissent toujours des souvenirs de ces Maharajahs d’autrefois, qui apparaissent sur des peintures d’époque dans l’exposition, équivalent des portraits de cour de Louis XV ou Louis XVI, comme leurs trésors rivalisent avec les parures de Marie-Antoinette ou de l’impératrice Joséphine. L’indépendance de l’Inde, en 1947, a mis fin à ses fastes. Restent ces bijoux indiens, témoins précieux aussi pour l’histoire qu’ils racontent.

source: leparisien.fr