La prise de contrôle des opérations de retail de De Beers Diamond Jewellers (DBDJ), rachetée à LVMH, a fini de faire passer la De Beers d’une société minière à un groupe de luxe diamantaire.

L’acquisition implique deux choses : non seulement la De Beers exerce désormais dans toute la filière diamantaire mais elle a aussi le plein contrôle de son nom, une chose que la section retail n’avait pas réussi à exploiter.

Echec

Globalement, le partenariat entre la De Beers et LVMH était un échec. DBDJ réalisait des pertes régulières ; son rapport le plus récent montrait une perte nette de 13,2 millions de dollars en 2015 – en grande partie liée à des coûts et des frais d’exploitation élevés –, même si les ventes ont progressé de 3 %, à 161,3 millions de dollars cette année-là.

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Au début du moins, cet aspect pèsera sur la De Beers car la société assume maintenant la responsabilité de la chaîne de détail. Celle-ci était auparavant gérée par LVMH et la De Beers recevait une part des bénéfices – ou, plus précisément, supportait ses pertes.

Dans la nouvelle structure, DBDJ sera certainement traitée, sur le plan comptable, de la même façon que d’autres filiales de la De Beers : Element Six, Forevermark et l’International Institute for Diamond Grading (IIDGR).

Dans ses éléments financiers, la De Beers sépare ses ventes de brut – son cœur d’activité, avec 5,6 milliards de dollars en 2016 – des ‘autres ventes’, autrement dit la contribution combinée de ses filiales. DBDJ offrirait alors à ces autres ventes – qui ont totalisé environ 500 millions de dollars l’année dernière – un coup de pouce de plus de 160 millions de dollars chaque année.

Toutefois, la décision d’acheter l’activité de retail ne s’est sans aucun doute pas limitée à l’aspect financier.

Identité: bâtir pour l’éternité

L’initiative recentre encore l’identité de l’entreprise et les éléments constitutifs de la marque, un exercice entamé en 2012. Avant cela, la De Beers était assez fragmentée et ses propres divisions de vente de brut – Diamond Trading Company (DTC) et Diamdel – affichaient des logos différents. Aujourd’hui, il s’agit respectivement de De Beers Global Sightholders Sales et de De Beers Auction Sales, rassemblées sous l’enseigne ‘De Beers’, associée au slogan de la société, ‘A Diamond is Forever’.

Il a toujours été assez surprenant que DBDJ ne profite pas de la campagne marketing emblématique lorsque la De Beers a basculé vers des publicités centrées sur la marque. L’implication de LVMH a clairement compliqué les choses. Le célèbre slogan, qui n’a fait son retour que récemment, en 2015, avait été mis de côté pour Forevermark et pour souligner la philosophie de la société. Aujourd’hui, dans son message, la De Beers veut ‘bâtir pour l’éternité’, que ce soit pour ses diamants, ses actionnaires, les questions de développement durable et de gouvernance ou encore l’impact de son produit sur les communautés.

Nous pensons que DBDJ trouvera sa place dans ces nouvelles dispositions et utilisera les outils désormais à sa disposition au sein de la structure De Beers. Reste à savoir quelle forme prendra cette évolution.

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Intégration

Dans un communiqué de presse annonçant l’acquisition, au cours de la semaine du 20 mars, Bruce Cleaver, le PDG de la De Beers, a donné un aperçu des projets de la société, affirmant que « une intégration plus complète de la marque et du réseau de boutiques De Beers Diamond Jewellers nous permettra de proposer une offre diamantaire encore plus différenciée, parallèlement à Forevermark, notre marque diamantaire en croissance rapide. »

La fusion aura sûrement pour effet, pour le moins, de modifier les liens entre DBDJ et Forevermark à l’avenir. DBDJ proposera peut-être des diamants Forevermark. Mieux encore, peut-être la De Beers renommera-t-elle les boutiques du nom de Forevermark.

Selon David Johnson, un porte-parole de la De Beers, la société n’a pas l’intention d’agir dans ce sens.

« DBDJ et Forevermark fonctionnent avec des modèles de distribution différents. Leurs offres aux consommateurs ont un positionnement différent, » a expliqué David Johnson. « La De Beers pense qu’il est possible d’exploiter le potentiel des deux marques. Cette perspective a été l’une des raisons de l’acquisition du plein contrôle de DBDJ. »

Dans ce cas, la De Beers a beaucoup à faire, étant donné ses résultats antérieurs dans le monde du retail.

La restructuration de la chaîne dans le cadre de Forevermark ajouterait de la valeur à la marque Forevermark et aurait un effet domino positif sur ses partenaires de retail. Bien qu’une telle initiative puisse faire craindre que la société soit en concurrence avec ses clients, le modèle est assez fréquent dans le monde du retail. Nike, par exemple, distribue ses chaussures à d’autres boutiques de détail mais gère aussi ses propres magasins, ce qui renforce sa marque.

Resserrement

Une telle stratégie n’irait pas dans le sens du marché de masse pour la De Beers. Elle pourrait même obliger la société à réduire ses opérations de retail et à limiter ses boutiques à des emplacements stratégiques, afin de ne pas empiéter sur les détaillants Forevermark. Un resserrement aiderait également à réduire les coûts et à renforcer l’exclusivité des boutiques.

Il existe actuellement 32 boutiques De Beers dans 17 grands marchés de consommation dans le monde. Forevermark a ouvert son 2.000ème point de vente en février. La marque est désormais disponible sur 25 marchés. Bien que Forevermark soit de mieux en mieux reconnue par les consommateurs depuis son lancement en 2008, l’intégration des boutiques DBDJ lui donnerait un immense coup de pouce.

Cela replacerait aussi le logo De Beers dans son rôle premier, celui de définir l’identité de l’entreprise qui touche maintenant à tous les aspects de la chaîne de distribution des diamants.

Société minière

En plus de Forevermark et de ses opérations de retail, la De Beers possède des projets d’exploration et d’extraction minière, de ventes de brut, de certification du taillé, d’équipements de détection des synthétiques, de recherche de synthétiques et de fourniture de diamants à usage industriel, ainsi qu’une unité technologique. Elle possède également plusieurs projets annexes, dont le développement d’une plate-forme tierce de négoce de taillé, un programme d’enseignement et un projet pilote pour étudier les divers moyens d’améliorer l’expérience des consommateurs lors de la revente des diamants.

Cette combinaison d’entités différencie la De Beers des autres miniers. Bien que ses ventes de brut lui assurent l’essentiel de ses revenus, ce sont les activités des filiales – et notamment de Forevermark – qui assurent la valeur. Au contraire, la valeur d’entreprises comme ALROSA, Dominion, Rio Tinto, Petra Diamonds et d’autres est limitée aux volumes de diamants qu’elles produisent.

Il y a déjà un certain temps que la De Beers ne se soucie plus d’être le plus gros producteur de diamants au monde. Aujourd’hui, le titre revient à ALROSA. La De Beers cherche plutôt à construire son image de marque pour améliorer la valeur de sa production qui, nous le savons tous, ne sera pas éternelle.

La société ne pourra ‘bâtir pour l’éternité’ qu’en se positionnant dans la sphère du luxe plutôt que dans le secteur minier. La prise de contrôle de son réseau de boutiques parachève sa stratégie initiale qui va bien dans ce sens. Ce qu’elle fera de ses boutiques traduira son axe stratégique.