L’année 2018 serait-t-elle une année charnière pour l’industrie du diamant ? Ni meilleure ni plus mauvaise qu’une autre, elle signe pourtant de grands changements voire un renouveau. De Beers en tête – et ça, ce n’est certes pas révolutionnaire –, l’industrie du diamant prend son destin en main. Bilan, à mi-mandat, de l’année de tous les bouleversements.

Les prix : ni trop haut, ni trop bas… ?

L’heure n’est pas au yoyo pour les prix du diamant, la stabilité semble, peu ou prou, de mise. Tant dans les achats de brut que dans les achats de taillé, les tendances ont été, jusqu’à maintenant, plutôt conformes aux attentes saisonnières.

Ainsi, le premier semestre a été solide pour le brut, qui reste cher et confirme l’inquiétude sur les marges de fabrication, toujours faibles. L’écart entre les prix du brut et du taillé est un problème récurrent voire constant pour l’industrie du diamant.

Depuis le début de l’année, les prix du brut comme ceux du taillé ont cependant connu une augmentation très progressive : 4,8% pour le brut et 5,1% pour le taillé d’après l’indice des prix du brut international Zimnisky. Les producteurs de brut ont continué à vider une partie de leurs stocks sur fond de légère baisse globale de la production (qui avait connu une forte croissance en 2017), et les tendances à court terme, après la pause estivale, comme à moyen terme, sont positives.

Ce bilan positif est par ailleurs soutenu par une bonne demande mondiale de diamants, qui devrait légèrement progresser cette année. La demande aux Etats-Unis est stable, en croissance en Inde et en Chine. L’Inde apparaît comme un marché d’avenir, très prometteur, qui pourrait supplanter les Etats-Unis en termes de demande sur le marché des bijoux en général. Selon Rapaport, qui rapporte les résultats d’une enquête Euromonitor International, «d’ici fin 2018, l’Inde dépassera les États-Unis pour devenir le deuxième marché de la joaillerie, derrière la Chine.» En dehors de l’augmentation potentielle du nombre de consommateurs, cette demande pourrait influer sur le type de gemmes et le style des bijoux proposés. Les diamants moins chers et de moins bonne qualité semblent avoir la préférence aux États-Unis et en Chine. Une tendance à suivre absolument.

Les grands groupes de joaillerie et haute joaillerie se portent bien

Swatch Group (Harry Winston, Omega, Longines) a annoncé des résultats records pour le 1er semestre 2018 portés par une très bonne demande en Amérique du Nord et en Asie. Le groupe vient de lancer un pavé dans la marre en se retirant de Baselword, dont la marque était un des piliers mais qu’elle ne trouve plus assez dynamique, créatif et en phase avec l’environnement actuel.

Richemont, propriétaire de Cartier et Van Cleef & Arpels, a témoigné d’une augmentation des ventes de bijoux de 11% ces 5 derniers mois.

Kering, propriétaire de Boucheron et Pomellato entre autres, reportait aussi des ventes solides au premier trimestre, dues au renforcement du positionnement des marques de montres et bijoux.

Enfin, Tiffany qui s’inscrit dans un processus d’investissements importants et de modernisation totale de la marque, en phase avec l’innovation que l’époque demande, est aussi entré dans une dynamique très positive et l’intérêt des clients pour la marque – les femmes notamment – n’est pas pour démentir cette stratégie! Un joaillier résolument tourné vers l’avenir (vive la personnalisation des bijoux) et qui attire les regards comme l’attention…

Les diamants synthétiques font partie du paysage

Eh bien quelle année pour les diamants synthétiques ! Ils sont là et vont le rester. Quant à leur qualité, elle continue d’augmenter.

Si les fraudes restent de mise, on en parle moins. La dernière en date relayée sur ce site est tout de même incroyable : une seule pierre naturelle dans un pli de mêlé (plus de 1 000 diamants) ! Le GIA précise dans son communiqué que « La hausse de mêlé synthétique envoyé – avec ou sans déclaration – aux laboratoires du GIA pour identification est exponentielle depuis que le laboratoire a commencé à proposer son service d’analyse du mêlé en 2016 ». À bon entendeur.

Les appareils de détection sont légion sur le marché, en constante progression et à des prix accessibles pour tous. Ils n’ont évidemment pas tous les mêmes spécificités. Il n’est plus envisageable à ce jour de ne pas disposer d’un de ces engins.

Autre nouvelle fondamentale sur le front des synthétiques : la nouvelle terminologie adoptée par la Federal Trade Commission américaine et communiquée cet été. Celle-ci a supprimé le mot « synthétique » de la liste de termes qu’elle approuve dans ses Guides de joaillerie révisés. Elle ne l’interdit pas pour autant, mais recommande d’utiliser le terme « de culture ». Elle a également retiré le mot « naturel » de la définition des diamants. Des changements qui vont faire grand plaisir aux fabricants de diamants synthétiques.

On se rappellera cependant qu’en janvier 2018 le Antwerp World Diamond Centre (AWDC), la Diamond Producers Association (DPA), le Gem & Jewellery Export Promotion Council (GJEPC), l’Israel Diamond Industry (IDI), l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA), l’US Jewelry Council (USJC), le World Diamond Council (WDC) et la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) s’étaient prononcé pour l’usage du terme « synthétique » entre autres.

Mais la nouvelle la plus révolutionnaire dans le domaine des diamants synthétiques, annoncée avec un timing remarquable, juste avant le salon de Las Vegas, est le lancement d’une gamme de diamants synthétiques pilotée par De Beers : Lightbox. L’effet de surprise a été total mais l’accueil de l’industrie du diamant s’est avéré plutôt positif. Ces «bijoux de mode de haute qualité» devraient être commercialisés ce mois-ci aux Etats-Unis. Ils ne visent pas à faire de la concurrence aux diamants naturels même si quelques inquiétudes demeurent, mais à prendre la main sur le marché des diamants synthétiques… et sur les prix. Est-ce que la tentative de De Beers va fonctionner ? Nul ne le sait, mais le jeu en vaut la chandelle. L’enjeu et la réussite de ce projet sont stratégiques.

Lightbox pourrait-elle néanmoins porter préjudice aux diamants naturels ? Oui, si elle prend trop de place et supplante celle d’achats initialement prévus en diamants naturels (= pour les grandes occasions selon les études préalables effectuées par la marque). Ou en faisant baisser le prix des diamants naturels d’une gamme «équivalente» (– ne criez pas au loup, il n’est pas dit ici que les diamants synthétiques sont équivalents aux diamants naturels !) : petites marchandises et diamants de couleur. La réduction estimée que permettrait l’achat d’un diamant synthétique Lightbox serait de 75% à 85% par rapport au prix d’un diamant naturel équivalent.

Pour finir, il faut noter que Signet Jewelers envisagerait de vendre des diamants synthétiques si la demande le justifiait !

L’étique et la traçabilité avancent lentement mais sûrement

Puisque l’on parlait de Signet, soulignons que le groupe américain participe également à l’initiative pilote Blockchain Tracr de De Beers présentée le 11 avril 2018 dans l’Hexagone. Pour rappel, il s’agit ici de «renforcer la confiance dans l’écosystème des diamants, en créant un enregistrement immuable et infalsifiable du parcours d’une pierre tout au long de la chaîne de valeur, et en garantissant son origine.» (Tom Montgomery, vice-président senior des initiatives stratégiques). Le projet est encore en phase de conception et n’est pas le seul sur le marché. Mais, vu le poids de De Beers dans l’industrie et sa capacité à innover, vu la nécessité de mettre en place un outil capable de garantir la traçabilité des diamants… on en attend des nouvelles avec impatience !

Toujours dans le domaine de l’éthique, De Beers toujours, s’attaque à l’extraction minière artisanale et a inauguré mi-avril son programme GemFair, conçu en partenariat avec la DDI, la Diamond Development Initiative. GemFair vise à «créer un parcours sécurisé et transparent afin de commercialiser des diamants d’extraction artisanale et à petite échelle (ASM), de provenance éthique». Sachant que l’ASM couvre environ 20% des diamants de qualité au monde et que sa gestion et commercialisation sont un des plus gros problèmes éthiques de l’industrie, l’initiative a, là-aussi, de quoi séduire !

Les jalons pour l’avenir, le marketing en ligne de mire

Le marketing sera la clef de la demande. Tous les efforts et innovations précédemment cités ont besoin du marketing pour que les consommateurs en comprennent la valeur. Et l’industrie a bien besoin du marketing pour que les consommateurs aient envie d’acheter des diamants… Certes. Des initiatives jusqu’à maintenant en 2018 ?

On peut toujours s’arrêter sur Tiffany et ses nouvelles collections ou De Beers et sa communication parfaite (mais à destination de l’industrie). Mais c’est finalement ALROSA qui tire son épingle du jeu : le minier russe a effectivement profité de la Coupe du monde de football pour faire de la publicité sur ses diamants dans le cadre d’une campagne marketing internationale. Humour et à propos, un bon cocktail. ALROSA réfléchit à vendre ses pierres sous une marque certifiée d’origine russe qui devrait rassurer le consommateur sur la provenance de ces pierres. Un sujet à débattre compte tenu du climat international actuel.

Pour conclure, une année 2018 sous de bons auspices même si les tendances du marché n’ont rien eu de révolutionnaire. Le dernier trimestre 2018, avec l’entrée dans la période des fêtes, s’annonce positif.

Quelques initiatives ont cependant permis de mettre l’industrie sur de nouveaux rails et de la projeter, enfin, dans l’avenir. À ce niveau c’est certain, l’industrie du diamant en sera bouleversée. Blockchain, Lightbox, Gemfair, c’est toujours De Beers qui mène la danse et donne le tempo. Ces projets, tous novateurs, dans l’air du temps et à la pointe, annoncés à quelques semaines d’intervalles, ouvrent la voie aux grandes tendances à venir.Sylvain Goldberg

« L’avenir appartient à ceux qui s’y préparent aujourd’hui. »

Sylvain Goldberg